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"L'antimanuel de littérature" de François Bégaudeau

3 Janvier 2009, 17:20pm

Publié par Rêve

L'auteur s'est fait larguer par Jeanne, et pour passer le temps, partager ses humanités et peut-être reconquérir la belle, il fait son malin  (ou se distingue) avec cet antimanuel de littérature illustré de photos et de peintures.
Son propos consiste à définir, à l'aide d'exemples choisis (choix assumés), ce qu'est la littérature et ce qu'elle n'est pas, à quoi elle sert et vers quoi elle se dirige (ainsi que l'écrivain). L'humour est souvent potache (un peu lourd), mais l'ensemble est intéressant.


Extraits:

A propos de la métaphore - qui peut créer une réalité selon Deleuze et Guattari :

"Menace alors l'écueil inverse de l'arbitraire. Je compare n'importe quoi avec n'importe quoi, mon pote Sébastien avec un tube de mayonnaise, et hop je suis poète. Facile. Sauf que, selon les surréalistes contemporains de Freud, le rapprochement incongru, du moment qu'il est spontané, est aussi révélateur qu'un lapsus. Plus c'est arbiraire moins ça l'est. Par la métaphore automatique, on accède à une surréalité qui est la réalité de la psyché (...).Si l'hypnose m'a soufflé cette image, c'est qu'il y a vraiment du tube de mayonnaise en Sébastien."

A propos de la femme et de l'écriture :

"L'opacité ténébreuse des femmes est une manière de commercer avec elles tout en les gardant à distance. Une façon de s'érotiser sans subir leur existence. Dans à une passante, Baudelaire feint de regretter que la passante ne fasse que passer. Au contraire, qu'elle passe vite son chemin et n'encombre pas le poète de sa présence réelle. Que le commerce avec les femmes se limite à une passe.

Or elle s'arrête cette pute. Pour causer, jouer au tennis, écrire des livres. Alors dernière cartouche du mâle crépusculaire, le coup de l'écriture féminine. Nathalie Sarraute avait raison de cribler de balles quiconque dégainait ce cliché, évoquant sur un mode en apparence élogieux la finesse de son petit théatre des affects situationnels. Du petit de qualité, donc, mais du petit quand même. L'adjectif "féminine" accolé à 'écriture sonne beaucoup plus comme une restriction que comme un compliment."

A propos de l'écrivain :

"Activité solitaire, la pratique littéraire vous assigne à une sorte de misanthropie malgré vous. Rivé à la feuille six étages au dessus des piétons, vous êtes objectivement seul contre tous. Peu à peu vous prenez goût au confort du soliloque, au silence de la chambre, à la souveraine liberté du conteur, et bientôt vous ne supportez plus les contrariétés inhérentes à la fréquentation d'autrui. Autrui demande qu'on se taise pour l'écouter, autrui objecte à vos arguments, autrui prendrait bien un dessert alors que vous non, autrui a un bouton à la commissure qui agace votre vue, bref, autrui vous fait désirer retrouver tôt l'ordi tout docile comparé au monde qui fait rien que vous embêter.(...)
Un salaud ne peut pas écrire de grands livres et d'ailleurs à part Voyage au bout de la nuit et D'un château l'autre y'a pas grand chose;
un salaud ne peut pas écrire de grands livres, donc Céline n'était pas un salaud puisqu'il a écrit Voyage au bout de la nuit et D'un château l'autre; un salaud peut écrire de grands livres, la preuve Céline ce salaud a écrit Voyage au bout de la nuit et D'un château l'autre ;
 à moins que le génie aille de pair avec la saloperie, et qu'on ne fasse pas de littérature avec de bons sentiments."


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