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L'élégance du hérisson

10 Juillet 2008, 14:05pm

Publié par Rêve

Tout comme Dujardin (J.P. Darroussin dans "dialogue avec mon jardinier"), qui meurt dans son jardin, le hérisson, fût-il élégant, n'échappe pas à son destin (et au cliché) : il meurt écrasé sur la route, après avoir enfin trouvé les joies de l'amitié (et du relooking) et sans s'être jamais révolté de son destin de hérisson...
Eh oui, je n'hésite pas à raconter la fin du livre de Muriel Barbery (paru en 2006), que je viens de terminer alors qu'il me fut prêté il y a longtemps déjà par ma mère qui l'a aimé (sans doute parce qu'elle est attentive à la beauté des détails du monde).

La duplicité de ce livre c'est qu'il est agréable à lire, qu'il est politiquement correct (les petites gens peuvent être discrètement intelligents et cultivés, il ne faut pas se fier aux apparences, le respect et la courtoisie sont des valeurs sûres...) et qu'il brosse son lecteur dans le sens du piquant en lui laissant penser qu'il est lui aussi intelligent (même s'il est concierge ou ménagère de moins de cinquante ans).
Il choisit de mettre en valeur les autodidactes et les surdoués qui se cachent avec subtilité, plutôt que les idiots honteux ou les imbéciles heureux ou les ignares malpolis ou les universitaires ostensibles.
Comme je suis une surdouée honteuse, je me suis appliquée pour ma part à avoir l'apparence d'une tanche ("poisson trapu et ovale qui se plait dans les fonds vaseux des étangs et dont la chair est estimée").
Je soupçonne l'auteur d'avoir le complexe de l'intellect.
On peut aussi lire ce livre comme un conte qui se veut utile pour la prévention du suicide des adolescents (le mari de l'auteur -philosophe- est psychologue).



Extraits :
"les gens croient poursuivre les étoiles et ils finissent comme des poissons rouges dans un bocal. Je me demande s'il ne serait pas plus simple d'enseigner dès le départ aux enfants que la vie est absurde. Cela ôterait quelques bons moments à l'enfance mais ça ferait gagner un temps considérable à l'adulte - sans compter qu'on s'épargnerait au moins un traumatisme, celui du bocal."

"Je note aussi que Chabrot s'exprime d'une façon dont je raffole - pouvez-vous éconduire les fâcheux ? - et cela me trouble. Cette désuétude polie me plaît. Je suis esclave de la grammaire, me dis-je, j'aurais dû appeler mon chat Grévisse. Ce type m'indispose mais sa langue est délectable."

"Où se trouve la beauté ? Dans les grandes choses qui, comme les autres, sont condamnées à mourir, ou bien dans les petites qui, sans prétendre à rien, savent incruster dans l'instant un gemme d'infini ? (...)
Oui, l'univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté, l'insignifiance nous encercle. Alors buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au dehors, les feuilles d'automne bruissent et s'envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et, dans chaque gorgée, se sublime le temps."
"Ceux qui, comme moi, sont inspirés par la grandeur des petites choses, la traquent jusqu'au coeur de l'inessentiel, là où, parée de vêtements quotidiens, elle jaillit d'un certain ordonnancement des choses ordinaires et de la certitude que c'est comme cela doit être, de la conviction que c'est bien ainsi."

"..quand je dis "c'est un vrai méchant", je veux dire que c'est un homme qui a tellement renié tout ce qu'il peut y avoir de bon en lui qu'on dirait un cadavre alors qu'il est encore vivant. Parce que les vrais méchants, ils détestent tout le monde, c'est sûr, mais surtout eux-mêmes. Vous ne le sentez pas, vous, quand quelqu'un a la haine de soi ? Ca le conduit à devenir mort tout en étant vivant, à anesthésier les mauvais sentiments mais aussi les bons pour ne pas resentir la nausée d'être soi."

"Qui chasse l'éternité récolte la solitude"

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