A propos du travail, encore

vu dans "carnets de santé" :

Docteur en sociologie, Éric Roussel est l’auteur de " Vies de cadres, vers un nouveau rapport au travail (Presses universitaires de Rennes, 2007). Interrogé par Entreprise et Carrières (15 avril 2008), il décrit trois injonctions paradoxales auxquelles sont soumis les cadres. Sa description peut sans doute s’appliquer à d’autres catégories professionnelles (du fait d’un " mouvement de « cadrisation » des non-cadres et de relative prolétarisation des cadres ") et rendre compte en bonne partie du stress au travail.

1) Le pouvoir et la hiérarchie ne sont plus désignés, mais remplacés par le coaching, le management, l’adhésion, le charisme, qui indiquent l’égalité des conditions ; cependant, il faut remplir des objectifs fixés par la direction et obéir ou se faire obéir.

2) Chacun doit " se donner entièrement " alors que chacun se sait " interchangeable ".

3) La consigne est le travail dans la coopération alors que la réalité est la mise constante en concurrence.


Dans un entretien ici, Danièle Linhart, qui est également sociologue et a dirigé l’ouvrage "Pourquoi travaillons-nous ? ", nous parle de  

 1) l'individualisme au travail : "En un temps record, nous sommes passés d’un monde du travail très collectif, syndiqué et politisé à un monde profondément atomisé, s’appuyant sur une relation personnalisée des salariés à leur hiérarchie et à leur entreprise." "L’individualisation s’accompagne d’une mise en concurrence systématique.""Ce sentiment d’isolement peut se terminer en suicide."

2) le conflit de valeurs: "Les salariés sont confrontés à des objectifs contradictoires, coincés entre qualité et productivité."
"Des gens, pour gagner leur vie, sont amenés à avoir une image d’eux-mêmes extrêmement dévalorisés. C’est une source de véritable souffrance."

3) Du fait de la mobilité, de la polyvalence, de la rotation des tâches "les salariés ont l’impression d’être des pions alors que le discours de l’entreprise leur demande de se mobiliser affectivement, voire émotionnellement."

4) Ce ne sont pas les gens qui sont spécialement harceleurs, c’est l’organisation du travail qui est harcelante.


Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste, s'est intéressé aux nouvelles organisations de travail et leurs effets et définit la valeur travail Ici

Vous trouverez ICI une conférence sur "le suicide au travail".
Dominique Lhuilier, professeur en psychologie du travail, y met en relation les transformations du monde du travail depuis les années 80 et les suicides liés au travail, lorsque le seuil de tension, de stress , devient intolérable, lorsque "le risque d'anéantissement est plus grand dans la survie que dans la mort".
Ces transformations sont :
-Des exigences plus fortes et des moyens réduits. Une précarisation de l'emploi et des tâches  du fait de la demande de mobilité, de flexibilité, d'adaptabilité, de polyvalence.
- L'intensification des rythmes et charges de travail, avec des exigences de compétitivité, la mise en place des "procédures qualité", les 35 heures mises en place sans embaucher.
- La contradiction entre la productivité - qui exige uniformisation et standardisation - et la qualité du service qui demande un ajustement à la demande de chaque client pour le satisfaire.
- L'indétermination des priorités et des moyens d'action.
- La solitude, l'isolement du fait de la précarité des équipes, de la dilution de la référence au métier, de la perte des traditions et racines, de la diminution de la transmission des savoir-faire, de l'individualisation des carrières, des évaluations, des rémunérations. Du fait de l'occultation des questions sociales, la personne doit puiser dans ses ressources propres, l'individu est culpabilisé, renvoyé à ses insuffisances.
Dans ce contexte l'usure physique et psychique gagne du terrain.

A consulter également le blog du collectif-RTO à propos de précarité, chômage et autres aspects sympathiques ...